• Transmettre ses valeurs

    Pourquoi le faire ?
    La "transmission", qui veille au passage des valeurs familiales et culturelles à travers le temps long de l'histoire, se distingue de la "communication", qui véhicule les informations en direct et met les individus en contact.
    A l'heure du tout communicationnel, de l'urgence quotidienne et de la fugacité relationnelle, un impérieux besoin d'ancrage, de stabilisation symbolique, de recentrage sur le "transmettre" semble apparaître dans nos démocraties avancées. La rumeur du temps nous invite à retrouver nos origines familiales, ethniques, régionales. Comment, dès lors, réaliser la nécessaire transmission d'un savoir, d'une tradition et d'une histoire à la génération suivante, sans pour autant l'assigner à une identité fixe et intangible ? Comment transmettre un héritage sans y enfermer les enfants ? Voilà bien le paradoxe, la tension éducative. Car l'acte de transmettre est pour tout groupe humain la condition de sa survie dans le temps. "Nous transmettons pour que ce que nous vivons, croyons et pensons ne meure pas avec nous", écrit le philosophe Régis Debray. Notre volonté de transmission est l'expression d'une reconnaissance pour ce que nous avons nous-même reçu. Le sentiment que ce qui est essentiel pour nous - et donne sens à notre vie - doit l'être aussi pour nos enfants.  Ce qui caractérise la transmission, c'est précisément cette possibilité d'inscrire chacun dans une tradition, une généalogie, une parole qui le précède. Chacun de nous récapitule en lui, consciemment ou non, toute une histoire dont il provient : c'est notre nom, notre patrimoine génétique, notre langue, notre éducation, notre culture, nos valeurs et nos références de tous ordres.
    Croire qu'on se construit seul n'est qu'un leurre, certes. Mais faut-il pour autant renoncer à toute possibilité de décider soi-même de ce que l'on veut être ? Le siècle des Lumières nous a appris à nous méfier de la tradition, dont l'emprise étouffe toute velléité d'autonomie chez le sujet. "Qu'importe que d'autres aient pensé ceci ou cela avant nous, pourvu que nous nous pensions bien", disait Diderot dans l'Encyclopédie. La discipline, le respect du passé, les traditions, l'obéissance, sont des valeurs qui paraissent d'un autre monde. Le modèle culturel moderne a changé. Aujourd'hui, c'est la liberté individuelle qui prime ; le sujet et non la tradition ; le présent et non le passé.
    Autant dire que transmettre ses valeurs ne doit pas nous pousser à reproduire l'autre à notre image, ni à le rendre conforme à ce que nous voudrions qu'il soit. Loin de la répitition narcissique des contenue, le fil de la transmission consite bien plutôt à donner à ceux qui viendront après nous l'opportunité de commencer quelque chose. Charles Péguy parlait magnifiquement des "générations appellantes". Transmettre, c'est proposer à l'autre des fondements, tout en lui laissant la liberté de se les approprier, de la changer, de les contester et d'affirmer sa différence. Transmettre c'est préparer un chemin, faire place pour qu'un autre vienne. Chaque enfant s'empare d'un bout différent des récits, des idées ou des principes qu'il entend.  Mais personne ne sait ce qu'il en fera. Et c'est bien heureux !

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